
DÉCOUVERTE DU POT AUX ROSES!
Pour faire suite à mon premier article de blogue “L’observation des premiers signes de la maladie d’Alzheimer”, nous voilà à l’hôpital en attente d’une place en CHSLD pour ma maman, décision faisant suite à une rencontre avec le travailleur social et le gériatre. Devant cette nouvelle réalité, nous avons demandé à papa s’ils avaient leurs mandats d’inaptitude. Spontanément, il nous répondit « c’est quoi ça? ». J’osa alors demander s’ils avaient leurs testaments. Sa réponse négative en ajoutant que par contre, leurs arrangements funéraires étaient faits, me fit prendre conscience que nous devions amorcer des démarches auprès d’un notaire.
NOUVELLE DEMEURE
Après trois semaines d’hospitalisation, le 23 août 2018, une place se libéra en CHSLD pour accueillir maman. En allant la voir sur son lit d’hôpital, je lui annonçai la bonne nouvelle qu’on avait trouvé un endroit près de chez nous, dans notre ville. Elle éclata en sanglots de joie me répétant à plusieurs reprises le nom de notre ville et qu’on pourrait se voir… Je réalisai à quel point papa lui avait fait peur en lui disant qu’une fois à l’hôpital, ils les sépareraient. Le déménagement se déroula bien; maman sembla contente de son nouvel environnement temporaire dans une unité prothétique, le temps qu’une chambre se libère. On nous demanda d’étiqueter tous ses vêtements et d’identifier ses effets personnels.

À peine quelques jours plus tard, maman me dit en pleurant avoir été « bardassée » la veille par une préposée qui avait été « raide et pas gentille avec elle ». Je rencontrai l’infirmière-chef qui m’expliqua qu’elle devait être perturbée et désorganisée, soit une réaction normale qui arrive fréquemment lors d’un déménagement.
SON ADHÉSION
Je rencontrai la responsable des finances qui me demanda certains documents pour faire son adhésion : rapports d’impôts, relevés bancaires des 6 derniers mois, spécimen de chèque… Comme ma mère n’avait que ses pensions du gouvernement, cela couvrirait les frais de l’hébergement et le gouvernement se chargerait de la balance. J’ai apprécié sa compréhension de la situation quand elle a offert de garder le dossier en suspend le temps que j’arrange les dispositions financières.
Un mois après son arrivée, maman déménagea dans une autre aile qui lui servira de demeure jusqu’à la fin. Dès le jour 1, ses sœurs et ses frères se sont joints à nous pour offrir leur temps et leur amour à chaque semaine en coordonnant leurs visites; beaucoup de visites, de quoi rendre jaloux tous les autres résidents! Ils ont été d’une aide inestimable.
Nous rencontrâmes le médecin de l’établissement, en la présence de maman, qui nous confirma qu’elle était effectivement inapte. Un diagnostic plus précis de démence fronto-temporale fut prononcé en nous remettant des documents à ce sujet. Puis un orthophoniste nous donna quelques conseils pour mieux communiquer avec notre maman.
En septembre, nous avons vécu une rencontre interdisciplinaire avec les différents intervenants du milieu pour faire le point sur notre satisfaction à l’égard des besoins de maman. On a alors eu droit à une prescription pour l’achat de vêtements adaptés, déductibles d’impôts.
SÉPARATION INVOLONTAIRE
Dès notre premier rendez-vous chez le notaire, il devint évident que celui-ci serait notre personne ressources des plus utiles et importants dans notre parcours. Il nous donna le premier pas dans ce long processus qui suivra et il nous informa qu’étant donné que maman s’en allait en CHSLD, nous devions demander une séparation involontaire auprès de Service Canada afin que mon père ne soit pas impacté financièrement. Une semaine plus tard, je devrai insister pour que ma demande soit traitée en urgence car habituellement, le délai de traitement se situe autour de 20 semaines, temps que nous n’avions plus… Toujours chez Service Canada, je devrai les contacter pour ajuster leurs suppléments du revenu garanti. Il faudra aussi que j’avise leur assureur de changer le bénéficiaire de la police d’assurance-vie de papa car c’était maman.

FINANCES
Le deuxième pas était de rencontrer leur conseiller financier pour leur ouvrir chacun un compte personnel. J’accompagnai donc mon père où on nous informa qu’ils avaient deux hypothèques communes dont leur maison et un petit chalet adjacent. Quel choc quand il poursuivit avec l’état des comptes! Comme ma mère ne s’occupait plus de l’aspect financier depuis longtemps, mon père n’avait pas pris le relais… Les hypothèques s’étaient payées à même la marge de crédit totalement utilisée et se prenaient maintenant automatiquement sur la carte de crédit qui arrivait à son maximum. Papa tout surprit niait avoir une marge de crédit et n’y comprenait rien…
Le conseiller ajouta en s’adressant à lui « vous vous souvenez l’an dernier, vous avez fait vos arrangements funéraires en mettant les frais sur votre marge? » Papa signifia un non en baissant la tête, dépassé par les événements. On nous proposa alors une entente de 6 mois à ne payer que les intérêts sur les deux hypothèques, le temps qu’on vende les propriétés et on me donna une procuration afin que je gère avec lui son compte. J’étais sous le choc, tout autant que lui!
MALTRAITANCE ENVERS LES PERSONNES AÎNÉES
Mon papa dépensait vraiment beaucoup ce qui me causait des maux de tête quand venait le temps de faire les comptes. Je le questionnai afin de comprendre comment il pouvait dépenser autant. Une autre surprise viendra m’étonner quand il m’informa qu’il prêtait de l’argent à quelqu’un. En fait, je ne peux pas vous raconter cette histoire qui dévoilerait de qui il s’agit mais cette personne lui soutirait des montants et il consommait de l’alcool ensemble. Nous y voyions de l’abus. On n’ose imaginer tout l’argent qu’il lui a soutiré. Nous nous sentions impuissantes devant cette situation qui empirait avec le temps. Fort heureusement, le fait de déménager éventuellement éloignera la source et réglera le problème.
MANDAT D’INAPTITUDE, TESTAMENT ET PROCURATION GÉNÉRALE
Un troisième pas chez le notaire consistait à produire les mandats de protection en cas d’inaptitude et les testaments. Je devins alors curatrice, mandataire et exécutrice testamentaire désignée pour mes deux parents, avec mes sœurs en support. J’aurai alors une procuration générale qui me permettra de gérer les finances du patrimoine familial. Le notaire nous confirma également que les propriétés étaient au nom de mon père uniquement malgré des hypothèques communes, ce qui nous soulagea un peu.
CURATELLE PUBLIQUE
Un quatrième pas chez le notaire en septembre nous sera donné. Il nous expliqua que nous devions aller en Curatelle étant donné que maman était probablement déjà inapte. Afin d’accélérer le processus, il nous suggéra un travailleur social au privé. Il nous rencontrera et fera aussi une rencontre individuelle avec maman moyennant des frais de 650$. Le notaire s’occupera de faire une demande d’expertise médicale au médecin. Il fera venir les certificats de naissance de mes parents.
De mon côté, je devrai lui fournir leur contrat de mariage et une liste à jour des adresses des onze frères et sœurs de maman. Dans ce processus avec la Curatelle, nous serons convoqués en janvier au Palais de justice avec la famille de maman. Nous aurons le jugement de la Cour en février avec la facture qui va avec… 1850$. Viendra s’ajouter à la somme, les frais du notaire. Comme curatrice, je devrai produire par la suite un document pour statuer les inventaires et fournir mensuellement l’état de son compte aux héritiers du testament.
VENTE DES PROPRIÉTÉS
Entretemps, papa en panique avait contacté un acheteur potentiel pour ses propriétés. J’avais donc sorti la paperasse nécessaire : taxes municipales et scolaires, compte d’Hydro, certificat de localisation, etc. Papa emballé m’informa qu’il avait reçu une offre (bien en deçà de l’évaluation des propriétés). Elle lui permettait d’y demeurer comme locataire moyennant un loyer et ce, pour une durée d’un an. Considérant les finances de nos parents, nous consultâmes un Syndic en insolvabilité à savoir si cela ne serait pas mieux de faire faillite, ce qu’on nous déconseilla.
Malgré mon avis de faire une contre-offre, papa m’annonça qu’il avait déjà acceptée! Je ne pus qu’abdiquer, impuissante devant cette décision qui aurait pu l’aider financièrement. Afin de permettre la vente, je dû contacter la municipalité pour une dérogation mineure dans le but d’obtenir un certificat de droit acquis et également contacter le comptable pour leurs valeurs aux livres. Cela nous permettra de notarier la vente en février pour ensuite passer à l’institution financière pour fermer le compte conjoint. Je pourrai enfin régler l’arriérage au CHSLD.
DÉMÉNAGEMENT DE PAPA
Il faudra maintenant prévoir un déménagement pour papa qui voulait retourner dans ses origines. Il décida de louer un appartement en plein centre de son village natal pour le 1er juillet. Le mois précédent son déménagement était dédié à un grand ménage des propriétés. On fera venir un conteneur car il n’y avait malheureusement pas grand-chose de bon à conserver. Tout était vieux et désuet. Il conservera toutefois quelques meubles et électro-ménagers même si l’espace de son nouvel appartement sera restreint. Ce sera une journée de deuil pour lui de nous voir vider sa maison qu’il avait lui-même construite. De plus, il devra vendre son tracteur, si cher à son coeur. Il devra donc arrêter ses activités d’excavation, de déneigement et de tonte de pelouses dans son petit domaine.
DÉNI
Papa visitait maman 2 à 3 fois par jour, même s’il demeurait à plus de 30 minutes de route. Il nous disait qu’elle rentrerait bientôt. Il passait ses journées sur la route et dans les restaurants. Lors d’une fête de famille à l’automne, à notre grande surprise, on vit apparaître maman dans une chaise roulante poussée par papa. Nous ne comprenions pas comment il avait réussi à la sortir malgré la directive contraire nommée à l’hébergement. Il avait une bonne intention mais clairement il n’était pas conscient de son état car rendue à ce stade de la maladie, elle ne pouvait plus fonctionner dans un groupe et elle était à haut risque de chutes. Il devenait de plus en plus difficile de voir papa ignorer la réalité.
NIVEAUX DE SOINS ET RÉANIMATION
À la mi-octobre, papa a été amené à deux reprises en ambulance pour des malaises « choc vagal ». Il nous appelait sans arrêt de l’hôpital complètement perdu et chaque fois, ils le retournèrent chez lui. Deux semaines plus tard, maman chuta et se blessa au bras et au visage. Le fait de voir son visage meurtri déclencha chez lui une attaque de panique et de l’arythmie intermittente. Pour une troisième fois, l’ambulance l’amena à l’hôpital. On le transféra dans un établissement spécialisé pour des tests qui conclurent à des veines bouchées. On lui installa des stents et on lui prescrit des antidépresseurs pour ses attaques de panique puis on le retourna à notre hôpital où je profitai du médecin en place pour mettre à jour son niveau de soins qui passa à l’objectif C qui est d’assurer le confort prioritairement à prolonger la vie, donc plus d’acharnement.
Il reçut son congé un mois plus tard. Sa nouvelle condition médicale nécessitera dans les semaines qui suivront quelques rendez-vous médicaux : prise de sang, test Holter pour son cœur, évaluation de son diabète, test de mémoire et ergothérapie. Par chance que nous étions trois pour s’occuper des besoins de nos deux parents! En décembre, il vivra un autre grand stress soit de passer son examen de conduite qu’il réussira avec beaucoup d’anxiété.
ÉVOLUTION DE LA MALADIE
Nous organisâmes une fête de Noël pour maman à l’hébergement, avec la famille, en prenant soin d’installer un petit coin pour que chacun et chacune puisse passer un moment individuel avec elle. Ce fut un très beau rassemblement ajusté aux besoins de maman et de sa famille.
Comme elle passait ses grandes journées assise dans une chaise peu confortable, je consultai son médecin pour avoir une chaise adaptée. Il me confirma qu’elle faisait maintenant du parkinson (élément qui arrive dans le processus de la maladie qui progresse) et que d’ici 6 mois, elle ne marcherait plus donc, il faudrait attendre ce moment-là pour avoir accès à un meilleur fauteuil! Quelle empathie et quel respect de la dignité ce système! Concernant les soins, nous avons constaté plusieurs lacunes (bien avant ce que la pandémie a démontré) soient le manque de ressources, la rigidité de la structure, un système non adapté à la réalité de la maladie et de la maltraitance qui passe souvent par l’ignorance de la personne malade. Nous faisions face à une réalité insoupçonnée et difficile à accepter.
CHUTES À RÉPÉTITION
Dès les premières semaines, les chutes ont débuté. Maman était une femme qui était toujours debout à faire ses petites tâches, activités ou une petite marche alors elle tentait toujours de se lever ce qui occasionnait des chutes. Pour résoudre la problématique, leur solution était de la garder en vue assise au poste toute la journée; évidemment, si elle se levait, on utilisait aussi la médication. Lors de sa première chute, elle se frappa d’abord la tête; puis une deuxième lui value des contusions à un genou et un coude. Puis il y eut quelques épisodes plus sévères en octobre. Si je vous montrais une photo d’elle, vous comprendriez à quel point elle était amochée… et qu’elle souffrait.
On nous a averti qu’aucun transport à l’hôpital ne serait autorisé car elle prendrait la place de quelqu’un qui a vraiment besoin! Comme seul traitement, on lui offrit un Tylenol et une débarbouillette mouillée! Nous étions dans tous nos états! Les chutes ont continué et en mars, on la trouva assise par terre dans le corridor… C’était tellement désolant comme scène! Je rencontrai l’infirmière-chef pour ses nombreuses chutes et le fait de la voir souffrir. La seule solution s’avèrera être la contention dans ce fameux fauteuil le jour mais la nuit, on ne pouvait rien mettre en place et espérer qu’elle ne se lève pas.
Puis une autre problématique se pointera. Elle commença à s’étouffer en mangeant; je rencontrai la diététicienne pour adapter son menu; elle aura maintenant besoin d’aide pour la faire manger, ce qui fait partie de l’évolution de la maladie.
DÉCISION À PRENDRE
Nous sommes à la fin juillet et l’état de maman empira; le médecin nous rencontra car nous devions prendre une décision. Comme ses chutes pouvaient entrainer des hémorragies internes, nous devions arrêter le Coumadin qui éclaircit le sang. En l’arrêtant, cela pouvait provoquer un accident vasculaire cérébral (AVC). Ce fut la décision la plus difficile à prendre, soit de décider du chemin à prendre pour la fin de vie pour notre maman. Nous avons donc opté en fonction de ce qui la ferait le moins souffrir.
DÉPART DE MAMAN
Deux semaines plus tard, le 17 août, j’eus le téléphone qu’on ne veut pas avoir… Elle avait fait un AVC durant la nuit et elle ne répondait plus. La veille, je l’avais bordée et comme à toutes les fois, elle m’avait dit « je t’aime ». Ces mots résonneront désormais toujours en moi. On l’a transférée dans une chambre à l’écart afin qu’on puisse lui donner des soins de confort. Ces six jours à la veiller nous auront donné le temps d’être avec elle encore quelques instants si précieux pour nous.
Un lit pour mon papa a été installé à ses côtés pour être près d’elle dans ses derniers moments et jusqu’à la dernière minute, il dira qu’elle va bientôt rentrer à la maison. Puis, à 2h15 la nuit du 23 août 2019 (un an, jour pour jour depuis son entrée en CHSLD), elle rendit l’âme en compagnie de sa sœur; on n’aurait pu trouver une meilleure personne pour l’accompagner dans sa nouvelle demeure.

La suite dans le prochain article de blogue : Un deux pour un!
On vous invite à consulter le site de la Société d’Alzheimer, spécialistes dans le domaine des maladies neurocognitives majeures dont l’Alzheimer.
Lyne Turcotte
Proche aidante et thérapeute formée à la relation d’aide travaillant comme coordonnatrice du milieu de vie à la Maison de l’Être du Centre d’hébergement St-Joseph
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