Moi, enfant
Je suis la fille d’une maman en or, Irène. Elle a su dès mon plus jeune âge me transmettre le plus bel héritage qui me suit encore aujourd’hui à l’aube de mes cinquante ans. Cet héritage est le goût de chanter!
Dans ma famille Savoie, la musique fait partie de notre ADN, elle coule dans nos veines. Je n’ai malheureusement pas connu ma grand-mère maternelle (Lucienne Joyal). Cependant, ma mère me partageait toujours à quel point la musique prenait toute la place dans la maison. Le piano et la guitare faisaient office de jouet et tout le monde avait le droit de chanter à la maison. Que ce soit joli ou non, grand-maman interdisait à quiconque d’empêcher un enfant de chanter ou de jouer d’un instrument.
Enfant, je ne me rendais pas compte de l’héritage que ma mère me transmettait. Que ce soit pour célébrer un moment heureux ou pour traverser des moments plus sombres, elle avait une chanson pour chaque occasion.
Maman enregistrait tout, que ce soit une soirée familiale de musique ou juste un après-midi où elle m’accompagnait à la guitare et m’apprenait plusieurs chants. J’ai des dizaines de boites remplies de cassettes dont je ne peux encore me départir aujourd’hui.
Concours de chants amateurs pour enfants
À mon grand désarroi, elle m’a inscrite à plusieurs concours de chants amateurs pour enfants. À cette époque, j’étais tellement nerveuse de chanter devant un public. Dans son cœur, j’étais sa Céline Dion! Je ne possédais pas le talent de Céline, bien évidemment, mais maman me faisait sentir comme si je l’étais. Elle était fière de moi à chaque prestation.
La musique country a meublé mon enfance et toute ma famille Savoie se rassemblait souvent pour chanter ensemble. Chacun avait sa chanson fétiche et, bien sûr, les autres répondaient aux chansons à répondre. Le violon, la guitare, l’accordéon, l’harmonica étaient de la partie. Chacun exploitait son talent. On passait des soirées inoubliables en terminant endormis, pour nous les enfants, dans les manteaux empilés sur les lits de nos parents.
Je vous partage une petite anecdote cocasse. Un jour, en pleine émission de télévision en direct, l’animateur m’a demandée si Georges D’Or pouvait m’accompagner au piano. Et j’ai répondu: « non, je préférerais que ce soit ma mère. »
Moi, adolescente
Adolescente, j’écoutais toutes sortes de musiques françaises ou anglaises. Devant le miroir, j’attrapais ma brosse à cheveux qui me servait de micro et je me prenais pour mes artistes préférés. C’était la meilleure des thérapies!
Il y a un moment dans la vie où on nous demande à l’école qui veux-tu devenir plus tard? À cette question, ma petite voix intérieure trop insécure ne m’a pas convaincue de me diriger dans le milieu artistique en chant et en théâtre.
Le milieu de la santé l’a emporté sur mon besoin de prendre soin. J’ai donc été préposée aux bénéficiaires un grand nombre d’années et j’y ai été heureuse. Je me souviendrai toujours d’un moment où j’ai appris un chant à une religieuse dont je prenais soin en hébergement. Soeur Noëlla, avait des grands problèmes de mémoire. On chantait ce chant chaque fois que je côtoyais cette patiente. Quelques mois plus tard, lors d’un après-midi des Fêtes, on a demandé aux bénéficiaires si elles connaissaient des chants qu’elles auraient le goût de partager. Et bien, cette dame a entonné le chant que je lui avais appris de façon impeccable. J’étais émue aux larmes de l’entendre chanter par coeur les paroles de cette chanson!
Moi, maintenant
Maman est décédée il y a quelques années à la suite de la maladie de la sclérose latérale amyotrophique. Elle a eu le privilège de vivre sa fin de vie à la Maison Réné-Verrier. Elle a perdu l’usage de la parole. À la fin, elle nous écrivait pour se faire comprendre. Devinez ce qu’elle nous a demandé jusqu’au tout dernier instant? Faire jouer de la musique! Un infirmier, la nuit de son décès, avait apporté sa guitare et lui a joué ses morceaux préférés. Ce fut un moment précieux que je conserve dans mon cœur. Vous dire comment maman avait la musique tatouée sur le cœur! Elle a préparé tous les chants de sa célébration funéraire qui a été une cérémonie musicale de presque deux heures.
Nous avions composé des paroles sur un air connu d’un message qu’elle voulait léguer. Sarah, ma plus jeune fille, a trouvé la force d’interpréter ce chant. Le texte de ce chant se terminait par les paroles suivantes : “promettez-moi de continuer à chanter même sans moi”. Promesse tenue! Je continue à chanter avec des gens extraordinaires qui partagent la même passion que nous, maman.
Depuis le départ de ma mère, lorsque je monte sur scène, je réalise la chance de pourvoir chanter et le bien que cela me procure. Et chaque fois, je sais qu’elle est là tout près, aux premières loges.
Conclusion
Au final, le chant me fait du bien. Il m’a permis de passer au travers de belles étapes de ma vie et de moins belles aussi. Le chant, c’est beaucoup plus fort qu’un air et des paroles lancées dans le vide. Ça rassemble, ça remémore ce qu’on a perdu et ce qu’on a encore la chance d’avoir aujourd’hui.
Toute ma vie, la musique a pris une place de choix et j’y consacre chaque semaine beaucoup d’heures de répétition, dans deux groupes de chant différents : les Gospangels et l’école de Musique la Clé musicale. Enfin, à mon tour, j’aime transmettre la musique en héritage à ma fille qui partage la même passion que moi. Le plus beau cadeau que je puisse recevoir est d’entendre Sarah chanter et s’accompagner au piano lorsque je rentre à la maison.
Isabelle Savoie, choriste dans la chorale Gospangels
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