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Quand l’art prend racine dans la terre

La ruralité au Centre-du-Québec

L’importance de l’agriculture dans le paysage économique du Centre-du-Québec ne date pas d’hier. Avant l’essor industriel qui s’intensifie au tournant des années 1920, les activités de la région étaient principalement agricoles. Aujourd’hui, bien que son économie se soit diversifiée, le Centre-du-Québec demeure l’une des régions les plus rurales du Québec. En 2022, 32,8% de ses 259 033 habitants résidaient en milieu rural (la moyenne québécoise se situe plutôt à 18,3%). L’industrie de l’agriculture y est toujours très dynamique, si bien que les terres agricoles occupent plus de 93% du territoire. Plus spécifiquement, dans la MRC de Drummond, les entreprises agricoles couvrent 50% de la superficie totale de la MRC. Avec de tels chiffres, il serait difficile de dire que la ruralité ne fait pas partie de l’identité de la région et de ses habitants. 

La vie en milieu rural engendre toutefois plusieurs enjeux. Parmi ceux-ci, on peut penser à : 

  • L’accessibilité souvent limitée aux services ;
  • La dépendance à la voiture solo et le peu d’options de remplacement qui existent ;
  • La longue liste de défis rencontrés par le milieu agricole (le manque de relève, la financiarisation des terres, les coûts de production qui sont de plus en plus élevés, les pratiques agricoles qui ont un impact sur l’environnement, etc.).

Des expositions qui font réfléchir 

Rapidement, on constate que la plupart des questions soulevées par la ruralité et le territoire sont intimement liées à l’environnement. Depuis son inauguration en 2019, la Fondation Grantham pour l’art et l’environnement, elle-même située en milieu rural, organise des expositions qui explorent directement ces questions. En 2020-2021, les artistes Richard Ibghy et Marilou Lemmens y ont présenté une exposition mettant de l’avant les enjeux politiques, géographiques, économiques et historiques qui caractérisent notre rapport à la terre et au territoire. Par la sculpture, la photographie et la vidéo, le duo a abordé des sujets comme les systèmes de division du territoire, l’impact des pesticides et l’achat massif de terres agricoles par des spéculateurs. D’ailleurs, une visite virtuelle de cette exposition exceptionnelle est disponible sur le site de la Fondation.

Vue de l’une des œuvres de Richard Ibghy et Marilou Lemmens à la Fondation Grantham.

La Carte n’est pas le territoire

Depuis le 4 mai 2024, la Fondation Grantham propose une toute nouvelle exposition où le milieu rural est également à l’honneur. Intitulée « La carte n’est pas le territoire », l’exposition rassemble les œuvres inédites de Karine Bonneval, lauréate 2024 de la Fondation, et de Mériol Lehmann. Chacun à leur façon, les artistes nous invitent à repenser notre rapport au sol en considérant tous les organismes vivants qui s’y trouvent. Dans cet esprit, l’exposition présente la carte comme un outil qui nous permet d’obtenir une certaine visualisation du territoire sans toutefois parvenir à en révéler toute la complexité.

Écouter la terre avec Karine Bonneval

Depuis quelques années, Karine Bonneval utilise un dispositif de captation sonore qui lui permet « d’écouter la terre » et d’enregistrer les sons produits par les invertébrés qui y vivent. En juillet 2023, lors de sa résidence à la Fondation, elle a rencontré près de 100 citoyens du Centre-du-Québec. Lors de ces rencontres sur le terrain, elle a offert aux citoyens d’écouter le monde qui grouille sous leurs pieds. Elle a également profité de l’occasion pour récolter des échantillons de terre afin de réaliser des « portraits de sols ». Ces portraits de sols sont une des composantes principales de l’installation qu’elle présente dans l’exposition.

Un des portraits de sols intégrés à l’installation de Karine Bonneval. Crédit photo : Mériol Lehmann

La technologie pour documenter la ruralité

Principalement photographiques, les œuvres de Mériol Lehmann remettent en question la perception souvent erronée que l’on peut avoir de la ruralité. En effet, les images de l’artiste s’éloignent de la représentation idyllique du monde agricole véhiculée dans plusieurs médias. Depuis quelques années, Mériol Lehmann réalise la plupart de ses photographies à l’aide d’un drone, un outil technologique également utilisé par un nombre grandissant d’agriculteurs. On y voit des paysages à l’aspect presque désertique captés sur des terres où l’exercice de la monoculture contribue à l’appauvrissement des sols. Ici, l’objectif n’est pas de pointer du doigt les agriculteurs. Il est plutôt question de réfléchir aux impacts de l’agriculture productiviste sur l’environnement, aux raisons de son implantation massive au Québec et aux pistes de solution pour l’avenir.

Mériol Lehmann, « Semis, rang des Bas-Étangs, La Présentation »

Enfin, il est possible de visiter gratuitement « La carte n’est pas le territoire » du jeudi au dimanche, de 11h à 17h. Il faut toutefois réserver. Pour prévoir une visite, il suffit de se rendre sur le site de la Fondation. L’exposition est présentée jusqu’au 9 juin 2024.

Claudel Lauzière Vanasse,

 Chargé de projets à la Fondation Grantham pour l’art et l’environnement

et enseignant en arts visuels au Cégep de Drummondville

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