UN DEUX POUR UN!
Voici la suite de mon partage sur l’accompagnement de mes parents à travers la maladie des troubles neurocognitifs majeurs où plusieurs deuils seront à faire. Consultez d’abord les deux blogues précédents : “L’observation des premiers signes de la maladie d’Alzheimer” et Rencontrer la réalité de la maladie d’Alzheimer : Découverte du pot aux roses!
Le partage qui suit s’est déroulé sur une période intense de 9 mois.
IMPACTS D’UN DÉMÉNAGEMENT
Le mois précédent le décès de maman a été très occupé à aménager le nouvel appartement de papa : habillage des fenêtres, organisation pour son alimentation et ses vêtements, assureur, fournisseur de câble, etc. Papa est vite devenu anxieux et nous appelait à répétition pour avoir ses canaux de sports. Il se présentait à maintes reprises chez ma sœur qui vivait à proximité pour avoir des nouvelles à ce sujet. Comme il ne répondait jamais à son cellulaire, elle s’occupa de changer son forfait qui devait en principe régler la problématique. Et bien non… il continua à ne pas répondre, ne sachant pas trop comment fonctionnait son cellulaire malgré nos explications.
Nous avions alors une fête de famille estivale et papa est arrivé, après avoir visité maman. Il ne resta pas très longtemps et quitta nous mentionnant qu’il allait la revoir. Bizarrement, il revint une heure plus tard et j’observai qu’il avait une discussion sérieuse avec l’un des invités. Pris de remord, il était revenu se dénoncer car il avait accroché une voiture… Il était en colère qu’on lui demande de compléter un constat à l’amiable. Je pris le relais pour m’occuper de ce dossier qui cassa malheureusement quelque peu l’ambiance… Dans la semaine qui suivit, papa peintura lui-même les dommages sur son pickup afin de camoufler l’incident. Et comme si ce n’était pas assez, il écopa d’une deuxième contravention pour vitesse.
On constatait déjà les impacts du déménagement sur sa santé mentale car il était très stressé pour le moindre détail. Il était dépassé par tous ces changements majeurs en peu de temps et les difficultés liées à cette transition d’avoir quitté son domicile de longue date et son petit travail qui lui procurait un sentiment d’utilité.
DEUIL D’UN ÊTRE CHER
Puis vint le temps d’organiser les funérailles de maman avec l’employé du salon qui nous fournit le certificat de décès que j’envoyai au notaire et à la Curatelle. Ils s’occupèrent d’annuler la carte d’assurance-sociale et d’aviser le gouvernement pour la prestation de décès du Régime de rentes du Québec qui donne 2500$, montant auquel maman n’aura pas droit car elle n’avait pas assez contribué.
Je retrouverai quelques mois plus tard, dans le pickup de papa, une lettre le confirmant après avoir fait plein d’appels de suivis… La procédure pour la succession débutera mais ne sera pas très compliquée étant donné qu’elle ne possédait presque plus rien. Nous allâmes récupérer nos dépôts de 40$ par voiture pour nos vignettes de stationnement au CHSLD.
En plus de vivre notre propre deuil, on s’assura que papa soit prêt pour les funérailles (accompagnement pour son hygiène et son habillement). Il fut d’une présence exemplaire lors des obsèques, la première soirée debout, bien droit pendant des heures, recevant les sympathies d’une file interminable jusque dehors. Et les funérailles du lendemain, dans une église remplie de personnes qu’elle aura touchées au cours de sa vie, témoignant de sa grande bonté. Il réalisa tant bien que mal, l’ampleur de la perte.
Lui qui vivra difficilement le deuil d’un être cher trouvera ensuite réconfort dans l’alcool, après plus d’une trentaine d’années d’abstinence. On observera que son pickup est souvent stationné au bar en face de chez lui ou bien, on le croisera au dépanneur avec une bouteille de vin à la main. Sa souffrance insoutenable de toutes ses pertes l’amènera dans des comportements dépressifs remplis de tristesse et de détresse. Et nous, impuissantes, nous vivrons beaucoup d’inquiétude.
DÉSORGANISATION
Suite aux funérailles, nous eûmes un rendez-vous de suivi chez le médecin. Je questionnai papa à savoir ce qu’il en avait retenu. Il me répondit : « Rien à part qu’il était smart le jeune! » Je lui ai rappelé certains points discutés dont l’alcool qui ne fait pas bon ménage avec les médicaments! Il a tenté de me rassurer en disant « Justement, j’ai arrêté d’en prendre! ». Je l’ai félicité et j’ajoutai qu’un travailleur social du CLSC viendrait lui faire une visite pour voir l’état des lieux et s’il avait besoin d’aide.
Je lui mentionnai qu’une odeur m’inquiétait et qui provenait sûrement de son vieux divan. Il a tout de suite sorti un désodorisant pour masquer l’odeur. Je lui ai demandé pourquoi il tenait tant à ce vieux fauteuil. Il disait le trouver confortable mais dans les faits, je crois qu’il était réconfortant pour lui et le fait de s’en séparer serait douloureux. De plus, il viendrait vérifier son hygiène. Je lui rappelai que le médecin avait dit de se laver à tous les jours. Il me répondit, avec un sourire en coin, se changer de boxeurs au moins deux fois par semaine… ouf pas facile de constater le laisser-aller à ce niveau.
Le médecin avait aussi prescrit un test Holter pour un suivi pour son cœur. Je l’ai donc amené à l’hôpital où on lui installa l’équipement qu’il arracha durant la nuit suivante. On a donc dû aller lui faire réinstaller. Il eut aussi un rendez-vous pour passer un test de mémoire qu’il réussit une première fois.
Résilience versus Résistance
On constata alors que sa mémoire était plus affectée qu’on ne le pensait et qu’il portait les mêmes vêtements plusieurs jours d’affilé. Malgré le fait que nous avions vécu cela avec ma mère, ce « deux pour un » en était tout autrement avec lui. Je réalisai qu’il y avait au moins deux façons de réagir à cette perte cognitive soit par la RÉSILIENCE vécue par maman ou la RÉSISTANCE de papa, qui à mon avis est beaucoup plus difficile à vivre pour les proches.
Accès en ligne au compte
Côté finances, il devint soudainement inquiet et me demanda s’il pouvait s’occuper de faire graver l’année du décès de maman sur leur pierre tombale. J’en profité pour avoir avec lui une rencontre à son institution financière pour avoir mon accès internet pour mieux suivre ses finances. La conseillère n’ouvra pas de compte de succession car maman n’avait plus rien et papa était son unique héritier. On a donc fermé son compte et il hérita de ses deux petites polices d’assurance-vie.
Papa s’est tout de suite empressé de répondre qu’il voulait faire réparer son pickup! Je ne pus que constater son inconscience par rapport à ses priorités. On m’informa aussi de faire ajuster le Régime de rentes du Québec car il aura maintenant droit à la rente de conjoint survivant. Entre temps, comme il y avait eu fraude à son institution financière et que je ne pouvais rien faire en ligne pour lui, je passai deux heures et demie en attente pour l’inscrire sur Equifax quand la ligne coupa! J’abandonnai le processus… d’autres chats à fouetter!
Je demandai à ma sœur de m’accompagner pour aller valider ce qu’il avait fait avec le revenu de son tracteur. À notre grande stupéfaction, tout piteux, il nous montra une enveloppe vide. Il avait dépensé tout l’argent et il ne se souvenait plus de rien. Je compris alors pourquoi il devenait inquiet. Le fait de déménager n’avait finalement pas éloigné cette source qui abusait de lui car papa continuait d’aller le visiter.
Ayant maintenant accès en ligne à son compte, je ne pus que voir la pointe de l’iceberg… Je le rencontrai pour qu’on reparle de ses finances… Je lui dis être très inquiète et que s’il continuait comme cela, il ferait faillite. Il est alors devenu très négatif en menaçant de mourir et qu’il allait voir maman tous les jours pour lui demander de venir le chercher. Je lui fis remarquer qu’il disait la même chose que son père disait de sa mère quand elle est partie. Je lui ai alors dit que je le comprenais, que c’était difficile un deuil mais qu’il avait un gros budget de 300$/semaine pour ses dépenses personnelles ce qui est énorme! Il a promis de faire attention.
Mais quelques jours plus tard, il avait déjà dépassé la limite sur laquelle on s’était entendu. Je le rencontrai de nouveau en lui disant que je ne voulais plus m’occuper de ses finances. Encore une fois, il devint en détresse en menaçant de partir… Le lendemain, il revint chez moi pour s’excuser et me demander de continuer à m’occuper de lui.
OCTOBRE
Côté santé, on demanda à son frère de l’accompagner à un rendez-vous de suivi à l’extérieur pour voir son spécialiste du cœur qui nous confirma que tout était beau de ce côté. Mais les jours précédents ce rendez-vous, il vécut beaucoup d’anxiété et passa voir une belle-sœur qui nous informa qu’il était très confus et qu’il ne savait plus quand aurait lieu ce rendez-vous. Il disait même que son frère habitait dans une autre ville donc il ne pourrait pas venir avec lui. Papa commençait à mêler les membres de sa propre famille. Il est allé aussi voir ma sœur à plusieurs reprises qui lui répétait et répétait les mêmes informations. Il se promenait avec un papier contenant seulement une écriture mentionnant une heure et rien d’autres et tentait de se faire rassurer.
Un travailleur social est passé le voir chez lui en ma présence. À ma grande surprise, Papa était propre, le ménage fait et il s’est fait rassurant en disant qu’il était en contrôle de tout. Cette rencontre n’aura donc pas eu les effets escomptés.
Entretemps, il m’appela pour me dire qu’il ne voulait pas me choquer mais qu’il voulait faire réparer son pickup. L’évaluation des réparations s’élevait à 6600$. Nous étions estomaquées d’une telle dépense non justifiée! Mais bon, il avait déjà pris son rendez-vous et ceci le rendrait heureux.
NOVEMBRE
Papa eut le rendez-vous médical que nous attendions. Il rejoignit ma sœur qui assista à la rencontre. Papa arriva une fois de plus avec les mêmes vêtements malpropres ce qui pencha dans la balance afin que le médecin constate son état. Il lui répéta qu’il ne pouvait pas consommer d’alcool car il prenait beaucoup de médication et qu’il devait s’occuper de son hygiène. Lors de l’examen, le médecin nota une grosse ecchymose et le questionna. Il répondit ne pas se souvenir d’être tombé. Il constata également la présence de taches probablement précancéreuses au visage à faire évaluer par un spécialiste et il prescrit également une prise de sang.
Quelques jours plus tard, il passa chez moi pour avoir son chéquier afin de payer le garagiste. Je lui rappellerai encore une fois qu’il dépensait beaucoup trop.
À son loyer, il souhaitait utiliser la cour de côté et voulait installer son vieil abri tempo qui servait antérieurement à ranger son bois. Il ne pouvait concevoir que son pickup couche dehors; son garage lui manquait tellement. On a alors constaté qu’il était trop petit pour le véhicule et qu’il devait abandonner cette option non applicable dans cet espace et engager un déneigeur. On en profita pour déglacer sa galerie.
Chaque semaine, nous aimions le rejoindre au restaurant du village pour souper mais cette fois, à notre arrivée, il avait déjà consommé sa petite coupe de vin. Il nous répéta au moins une dizaine de fois, en peu de temps, combien son garagiste lui avait fait une belle « job ».
Découragement
Quelques jours plus tard, je le rencontrai à nouveau pour ses finances, sa consommation et son hygiène. Je lui répétai son budget hebdomadaire pour ses dépenses personnelles. Je lui mentionnai qu’il m’avait dit avoir arrêté de boire. Il me répondit que c’était exact, qu’il ne buvait plus de bières depuis très longtemps. Je lui dis « Mais papa, du vin, c’est de l’alcool! ». Il me regarda tout surpris comme s’il venait de l’apprendre… Je me sentis vraiment découragée. Je réussis à le faire changer de vêtements car je ne lui donnais pas le choix lui mentionnant que je devais faire son lavage et il acquiesçait. En fait, ma mère lui sortait toujours ses vêtements le matin et c’était elle qui en faisait la rotation.
À la fin de novembre, il brisa ses appareils auditifs et il se rendit lui-même chez le médecin. Ne comprenant pas qu’il était au mauvais endroit, il atterrit chez moi avec sa problématique. Je le dirigeai chez le spécialiste pour réparation. À peine quelques jours plus tard, il m’appela me disant qu’il avait perdu ses appareils. Il ne se souvenait plus qu’ils étaient en réparation.
DÉCEMBRE
Lors de notre prochain souper ensemble, avec ma sœur présente, je lui nommai qu’il avait de nouveau dépasser son budget cette semaine. Je réalisai que mes interventions ne servait plus à rien mis à part de le rendre anxieux. Il me rappela pour me dire que je devais payer ses assurances de véhicule sinon qu’il perdrait son permis de conduire… Il se disait inquiet et voulait s’assurer que toutes ses choses sont payées. Finalement, je découvris qu’il avait reçu une requête de la SAAQ. Il devait faire compléter une partie médicale par le médecin et avoir fait un examen de la vue.
Il m’appela à plusieurs reprises pour m’informer que sa sœur organisait une messe et un souper pour maman mais il ne se souvenait plus des détails. En appelant ma tante, elle me confirma que c’était pour leurs parents ainsi que pour ma mère. Je passai donc la veille pour m’assurer de son hygiène. Et je constatai qu’il ne se changeait pas, la malle à linge étant vide… Je décidai donc de passer aux 2-3 jours pour l’obliger à se changer.
Rendez-vous médicaux
D’autres rendez-vous viendront le stresser soit le dentiste puis un test de mémoire qu’il échouera. Il passait son temps à aller voir ma sœur pour savoir quand étaient les rendez-vous. Il lui arrivait souvent d’entrer dans sa cour puis de repartir sans entrer…
Un soir en quittant le restaurant, il est parti sans payer car il ne se souvenait plus de son NIP et il était en état d’ébriété. Ma sœur a donc reçu un appel pour nous en aviser. Elle s’est tout de suite rendue chez lui et l’a retrouvé à genoux sur sa galerie. Il tentait d’ouvrir sa porte avec ses clés de véhicule. Ne serait-ce de cet appel, il serait probablement mort gelé car c’était un froid glacial. Quelques jours plus tard, quelqu’un nous a dit l’avoir vu tombé dans la rue puis réussir à se relever.
Pour Noël, la réception se donnait chez ma sœur alors pas très loin de chez lui donc plus facile d’aller le chercher et de le ramener. On lui a servi du vin sans alcool mais on le surprit à boire la bière de quelqu’un d’autre… Il demanda à partir tôt en soirée ce dont on s’occupa mais nous étions toujours très inquiètes.
JANVIER
Ma sœur remarqua en lui coupant les cheveux qu’il avait un énorme bleu en arrière de la tête. Une fois de plus, il ne se souvenait plus avoir tombé. Quelques jours plus tard, je le trouvai chez lui avec un œil au beurre noir. Il me dit être tombé de sa chaise…
Une autre rencontre avec le médecin arriva à point. J’en profitai pour écrire une lettre au médecin détaillant les derniers événements que je remis à sa secrétaire afin qu’il en prenne connaissance avant la rencontre. Nous arrivâmes tôt pour le test de mémoire au préalable mais ils décidèrent qu’ils allaient s’appuyer sur les résultats négatifs du dernier test. Alors on se retrouva dans la salle d’attente pour plus d’une heure! Ouf! C’était déjà difficile pour seulement quelques minutes alors l’écouter passer des commentaires méprisants, gênants sur tous les patients qui entraient, était épouvantable. Quand enfin son nom fut prononcé, il dit en faisant un clin d’œil « Je ne comprends pas comment ils ont fait pour savoir que j’étais ici! » pour faire rire ceux qui attendaient…
Le médecin compléta le formulaire de la SAAQ en disant à mon père qu’il devait dire la vérité. Papa répondit « Parfait, tout est sous contrôle ». Le médecin conclut à un diagnostic de démence, troubles neurocognitifs majeurs mixtes et un trouble lié à l’usage d’alcool, puis recommanda un examen de conduite complet et une évaluation par un ergothérapeute; s’en suivront aussi d’autres rendez-vous : optométriste et spécialiste en ORL.
Finances
J’étais exaspérée, papa dépensait plus que le double sur lequel on s’était entendu et je devais vérifier son compte pratiquement tous les jours… J’avais bien raison de m’inquiéter quand ma sœur me confirma qu’il passait ces après-midis au bar. Je remarquai alors un transfert de son CELI à son compte courant de 1000$. J’appelai à son institution financière et ils me confirmèrent que c’était un transfert directement fait au comptoir… puis quelques jours plus tard, un retrait du même montant.
Je convoquai ma sœur le soir-même chez lui pour qu’on investigue. Il répondit que son institution était en rénovation et qu’il en avait retiré un peu plus. Je lui ai demandé où était l’argent. Il m’a montré son portefeuille vide et m’a dit qu’il était dans son pickup, que personne ne le savait et qu’on n’avait juste à ne rien dire! À notre grand désarroi, nous avons trouvé 860$ pêle-mêle dans la console du véhicule. Je lui en ai alors laissé un peu et je redéposai la balance.
Il devenait alors urgent d’entamer rapidement la procédure d’homologation de son mandat d’inaptitude au privé car ce processus est très long et nous n’avions aucun moyen légal pour stopper cette hémorragie financière. Comme nous connaissions déjà ce qui nous attendait, prise deux, nous étions conscientes que le temps d’obtenir la responsabilité du patrimoine, il serait déjà trop tard et il aurait tout dépensé le peu qu’il avait. Nous décidâmes alors d’augmenter son forfait pour ses arrangements funéraires avant qu’il n’ait plus un sou et de contacter le notaire.
BAUME SUR MON COEUR
Dans ce même mois, ma petite-fille Darcy vit le jour. Quelle joie! Quel répit pour mon cœur! Sa venue arrivait juste à point pour alléger cette période plutôt sombre qui durait depuis déjà presque 6 ans. Je me suis branchée à cette nouvelle énergie pour vivre des moments riches, remplis de sens. Je réalisai que je pouvais cohabiter avec toutes ces émotions paradoxales qui m’habitaient, tantôt tristesse et impuissance, tantôt gratitude et joie profonde.
FÉVRIER
Suite à une consultation avec un spécialiste, des cellules précancéreuses ont été diagnostiquées au visage, nous avions maintenant une crème à appliquer deux fois par jour et ce, pour un mois. Nous y allions à tour de rôle. On en profitait pour faire la rotation de vêtements et déglacer sa galerie.
Quelques jours plus tard, j’observai un retrait au comptoir suspicieux de 467.40$. Il ne savait pas ce dont il s’agissait. Je lui ai demandé s’il avait un compte au bar et il m’a assuré que non. Je passai à son institution pour savoir l’objet du retrait et on m’a confirmé qu’il avait accroché une voiture dans le stationnement du bar et il était passé se faire préparer une traite pour payer les réparations au garage. En allant en discuter avec papa, j’ai effectivement trouvé la facture dans son pickup.
Le lendemain, je suis retourné le crémer à l’improviste. J’ai trouvé 2 bouteilles de vin vides sur la galerie et une près du micro-ondes. Il s’empressa de me dire qu’il en prenait juste une petite coupe et que cela paraissait pire que c’était.
Papa était toujours sur la route, il arrêta me voir choqué d’être convoqué à la SAAQ. Il était stressé de devoir faire réparer le frein à main de son véhicule afin d’être en règle pour l’examen. Il portait encore les mêmes vêtements. Papa me disait que sa télévision ne fonctionnait plus quand en fait, il fermait le décodeur…
J’eu un appel de ma sœur m’informant que papa était en panne en ville. Son conjoint s’occupa de le rejoindre. À son arrivée, un policier était avec lui et l’avisa qu’il manquait simplement d’essence et de s’occuper de lui car il devait quitter pour une urgence. Mon beau-frère lui mit de l’essence et lui dit qu’il allait le suivre jusque chez lui. Papa décolla et prit une route inverse, complètement perdu. Mon beau-frère dû lui faire signe de s’arrêter pour qu’il le suivre. En arrivant chez lui, il l’aida à sortir de son véhicule. Et il constata qu’il avait une bouteille de vin à ses côtés.
Perte du permis de conduire
Après discussion avec mes sœurs, nous nous sommes entendus sur notre discours auprès de lui à propos de la perte de son permis de conduire. On ne voulait pas qu’il sache que je m’étais rendue à la SAAQ pour le dénoncer. Nous nous sommes donc servis de son épisode avec le policier pour lui dire qu’il avait constaté qu’il conduisait en état d’ébriété et qu’il avait avisé la SAAQ. Avec mon autre sœur, nous l’avons donc rencontré pour lui en faire l’annonce. Une fois de plus, il devint dépressif et voulait en finir…
Entretemps, ma sœur était passée chez lui et avait découvert un sac plein de médicaments non pris. La semaine suivante, je découvris 9 bières bien au frais au frigo. Alors que ses bacs à poubelle débordaient, ma sœur fit la macabre découverte de dizaines de bouteilles de vin vides et qu’il y en avait aussi plein ses armoires. Nous étions sous le choc.
Hospitalisation
S’en était trop! On demanda un rendez-vous en urgence avec son médecin afin de l’hospitaliser pour une désintoxication et une évaluation cognitive. Il entra donc à l’hôpital le 22 février. Il ne comprenait pas pourquoi il était là. On lui fit alors croire qu’il avait des tests au cœur à passer ce qui le rassura. À ce moment-là, papa avait la plupart des symptômes de la maladie d’Alzheimer.
Lors d’une de mes visites, il était très en colère car il disait que quelqu’un qui l’avait visité, avait mentionné que c’était ses enfants qui l’avaient fait hospitaliser! On lui installa l’équipement pour un autre test Holter pour son cœur et durant la nuit, il arracha tout. Papa harcelait le personnel tous les jours pour sortir. Il me téléphonait sans arrêt, en panique, ne sachant plus où il était. Il essayait par tous les moyens, tantôt en colère, tantôt plus subtil en me disant « Tu sais, j’ai besoin de ton aide pour quitter car je ne veux pas partir en sauvage et qu’ils me courent après… ». Papa était tellement harcelant que je n’eus d’autres choix que de ne plus répondre à ses appels. Alors, il remplissait ma boîte vocale de messages colériques « Je veux aller coucher chez moi, à soir! ».
Idées délirantes
Au fil de son séjour, il commençait à délirer. Il disait être allé au chalet l’après-midi ou qu’il se ferait opérer le lendemain. Nous devions maintenant entrer dans sa réalité, embarquer dans ses histoires afin de ne pas lui créer de l’anxiété. Ce que je peux vous dire c’est qu’il était connu au poste! Il y était souvent à notre arrivée et quand il me voyait, il levait les yeux au ciel et disait « Enfin, quelqu’un que je connais! Tu viens me chercher! Tu vas m’arranger ça pour que je sorte! » Il disait vouloir retourner chez lui et aller au bar « pêter de la broue avec ses tchums ».
Une fois de plus, il avait une problématique avec ses appareils auditifs. Ma sœur s’en occupa. Après une semaine, nous avons eu quelques résultats : foie gros et gras mais pas grave, basse pression (ajout d’une médication). Le travailleur social constata qu’il était trop instable pour faire une évaluation cognitive. L’alcool avait encore des impacts et il devait attendre pour en voir les effets sur sa mémoire. Il sera aussi vu par un ergothérapeute. Étant désormais dans le processus public, nous transférions vers ce travailleur social et du moins, éviter certains frais pour l’homologation de son mandat d’inaptitude.
DÉMÉNAGEMENT EN RÉSIDENCE
Une rencontre avec les différents intervenants eu lieu dans les jours suivants qui exigera un placement en résidence. Papa accepta à condition d’habiter dans son petit village natal. Alors on prépara un autre déménagement mais celui-ci en résidence. On le mit au courant qu’il ne pourrait plus aller au bar. On lui prescrit alors un bracelet antifuite qui l’empêcherait de sortir du centre. J’envoyai l’avis de résiliation du bail suite à l’admission dans une résidence privée pour aînés. Nous avons magasiné un lit électrique et un bon fauteuil afin de l’installer.
La date du déménagement était prévue le 7 mars mais sa chambre n’étant pas disponible, il sera dans une chambre temporaire pour la première semaine. Lorsque nous y sommes retournés le 14 mars 2020, vous vous souvenez sans doute que c’était les annonces de la Covid19. Et que nous ne pouvions plus visiter nos aînés, suite aux recommandations de la santé publique. Nous l’avons donc installé dans sa chambre à la course et l’avons laissé là le cœur serré. Nous étions habitées d’une grande tristesse en même temps qu’un sentiment de sécurité, du moins nous pourrions mieux dormir la nuit…
La suite dans le prochain article de blogue « La sécurité, le prix de la liberté! ».
On vous invite à consulter le site de la Société d’Alzheimer, spécialistes dans le domaine des maladies neurocognitives majeures dont l’Alzheimer.
Lyne Turcotte
Proche aidante et thérapeute formée à la relation d’aide travaillant comme coordonnatrice du milieu de vie à la Maison de l’Être du Centre d’hébergement St-Joseph
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