La sécurité, le prix de la liberté

Ce 4e blogue est une continuité du partage de mon histoire personnelle concernant mon vécu avec la maladie d’Alzheimer. Il fait suite aux 3 blogues ci-dessous :

1 – L’observation des premiers signes de l’Alzheimer

2 – Découverte du pot aux roses

3 – Un deux pour un!

ARRIVÉE EN RÉSIDENCE – DÉBUT COVID-19

Mon papa est maintenant en résidence dans son village natal depuis le 7 mars 2020. Le savoir en sécurité nous procura déjà un sentiment de libération. Nous pouvions enfin dormir l’esprit tranquille considérant que quelqu’un était présent pour lui en cas de besoin et ce, malgré le fait qu’il n’était pas du tout content d’y être et de porter un bracelet antifuite. C’était malheureusement la seule solution qu’on avait pour ne pas qu’il retourne au bar situé à quelques pas de la résidence. 

Bracelet antifugue

L’interdiction de le visiter émis par la santé publique dura jusqu’en mai. Mais comme il était trop anxieux, on nous autorisa à aller le voir, une à la fois. Il nous disait savoir qu’il allait mourir là. Papa vivait de la colère et voulait s’enfuir. Il m’appelait de la résidence pour avoir son téléphone. On lui installa une carte pré-payée qui ne dura que quelques jours; puis une 2e qui ne dura qu’une journée. Il fallait se rendre à l’évidence, il n’était plus capable de gérer son téléphone. On lui répondait alors qu’il était en réparation et ce, chaque fois qu’on le voyait… Les effets d’un déménagement jumelés au confinement auront de graves conséquences sur sa santé mentale.

GRAND NETTOYAGE

Pendant cette période, on vida le loyer à l’aide d’un « container » et on fit quelques ventes sur « market place » et ce, malgré les barrages routiers, les masques, les gants et les différentes précautions comme mettre les sous en quarantaine. On fit quelques voyages au vestiaire et au village des valeurs. Puis, j’amenai le reste dans mon garage en attendant qu’on puisse se voir et finaliser le partage de ce qui restait.

Parmi les choses, on a découvert une pile de coupons pour le lave-auto, parfois jusqu’à 3 coupons par jour! La plupart était utilisé mais on en récupéra quelques-uns. On procéda à la vente de son pickup, un énorme deuil pour lui parmi tous les deuils qu’il traversait. Avec le recul, j’aurais pu consulter la Société d’Alzheimer qui propose des stratégies pour aider à gérer l’impact émotionnel qui accompagne la maladie. Voici le lien de l’outil : La gestion des émotions et le stress associés à la vie avec un trouble neurocognitif

SANTÉ

Entre cela, j’amenai papa à l’hôpital pour lui faire installer un test Holter pour son cœur. Et comme les autres fois, il arracha tout durant la nuit et il fallut reprendre l’exercice. Puis à ma grande surprise, je reçus un texto de la personne qui avait abusé financièrement de lui dans le passé et qui prétextait vouloir prendre de ses nouvelles… ce que bien sûr, je ne donnai pas suite.

PERTE DE MON EMPLOI

En avril, je subis les effets de la Covid. On m’annonça une mise à pied massive dont je faisais partie. Puis, deux mois plus tard, arriva l’abolition de mon poste que j’occupais depuis plus de 12 ans. Ce fut un moment très difficile car j’adorais mon travail et la mission de l’entreprise. Je réalise en écrivant ces mots que moi aussi je vivais un deuil en même temps que mon papa. Il n’est pas facile de prendre soin de soi dans une posture de proche-aidant. Depuis ce temps, je réalise qu’il y avait de l’aide dont j’aurais pu bénéficier mais j’étais trop submergée dans tout ce qui m’arrivait. J’aurais pu compter sur « l’Appui proches-aidants » dont voici le lien : Un outil de parcours pour tous les proches-aidants

Un soir, papa me téléphona à 21h30 pour demander sa carte de débit car il voulait aller voir son compte qui contenait, selon lui, 100,000$ car il disait avoir vendu une maison. Il me demanda également si j’aimais demeurer dans la côte du 4e rang? Si ma sœur avait acheté le salon près de son loyer? Et puis qu’il avait hâte d’aller prendre une marche pour se faire couper les cheveux… Son discours était incohérent et partait de parcelles de vérité mais dégénérait dans des histoires irréelles. Il me harcelait pour avoir de l’argent car il s’était fait un soi-disant « ami », qui était en fait le commissionnaire. Il voulait lui demander d’aller lui acheter du vin… le sevrage était toujours aussi difficile.

FIN DU CONFINEMENT

Bonne nouvelle en début de mai, c’est la fin du confinement. On peut maintenant aller le voir avec un masque tout en respectant le 2 mètres de distance, sans le sortir. Je suis allée le visiter sur le balcon et quand je lui parlais de la Covid, il disait qu’ils étaient chanceux ceux qui en mouraient… Il était découragé et voulait toujours sortir. Il m’appelait pour avoir de l’argent. Papa était agressif, choqué et dépressif. Il sacrait en disant qu’il irait rejoindre maman dans pas long. Il se disait en prison en chantonnant un air qu’il avait composé sur le thème! Puis papa aura un suivi avec un spécialiste pour son cancer de peau. On va lui prescrire un nouveau traitement dont la résidence s’occupera.

Le 11 mai, on a eu l’autorisation de laisser entrer les proches-aidants seulement. Étant donné la détresse de papa, on me donna l’autorisation de le sortir. Je l’amenai au cimetière en prenant une marche où je constatai qu’il voulait traverser où c’était le plus dangereux. Il me dit que cela ne le dérangeait pas de se faire frapper car il pourrait aller rejoindre sa femme… Je trouvai très difficile de voir mon père vivre autant de détresse.

Visite de maman au cimetière.

ALLÈGEMENT DES RÈGLES DE COVID-19

En juin, on pouvait maintenant se voir dans des rassemblements extérieurs avec masque, moins de 10 personnes et moins de 3 adresses différentes, les fameuses bulles! Pour les résidences, seul le proche-aidant était autorisé à sortir un résident. À partir de ce moment, je le sortis 2 fois/semaine. On alla aussi chez le médecin pour un traitement de son arthrose sévère aux genoux. Puis un autre rendez-vous pour installer un Holter afin de valider si son cœur était assez fiable pour recevoir une médication pour la maladie d’Alzheimer. Il n’y a aucun médicament qui peut guérir la maladie mais cela peut la stabiliser. Pour plus de détails : Informations sur la médication

Durant cette période, j’acceptai un nouvel emploi avec tout ce que cela comporte : nouveaux apprentissages et le temps d’adaptation.

PÉRIODE ESTIVALE

Je l’amenais désormais à la maison une fois/semaine mais il ne restait jamais vraiment longtemps car il voulait s’en aller. Nos visites se résumaient à manger ensemble et aller au cimetière. Il s’ennuyait et m’attendait à la fenêtre quand je lui disais que j’allais le chercher, tout comme un enfant.

En août, enfin le résultat du test Holter! Il est à la limite permise pour prendre cette médication. Alors le médecin nous référa à la gériatre que nous verrons 3 semaines plus tard pour un nouveau test de mémoire. Entre cela, un suivi téléphonique est prévu avec son cardiologue; appel que nous n’aurons jamais eu… J’étais frustrée de m’être déplacée, avoir préparé papa et avoir attendu plus d’une heure pour nous faire dire que l’appel serait déplacé. Il ne faut pas minimiser tout le temps et l’énergie que ça prend pour se mobiliser pour un appel avec une personne atteinte cognitivement.

DÉLIRES ET HALLUCINATIONS

En octobre, on remarqua de plus en plus d’idées délirantes. Il avait un discours répétitif et focussé sur un sujet comme par exemple : le cimetière a changé de place! Je l’y amenai pour qu’il voit que non mais il resta toujours aussi convaincu. Quand je vais le chercher, il dit au personnel qu’il sort de sa prison et qu’il part pour au moins 2 mois! Il se plait à nous raconter ses histoires de ski-doo et de polices mi-réalité/mi-dérisoire. Ou bien qu’il est allé faire des « jobines » ou qu’il est allé bûcher. J’embarque alors dans ses histoires et je tente de le suivre… Il n’a plus vraiment de filtres et il m’accuse de l’avoir fait emprisonner…

L'Alzheimer peut provoquer des idées délirantes.

Et un moins bon côté se pointe avec la maladie, il ne sent pas bon et il a toujours le même linge; son hygiène laisse à désirer. Je l’amenai une fois de plus chez le médecin pour un traitement à ses genoux.

CHANGEMENT D’HUMEUR ET DE PERSONNALITÉ

En novembre, son état empira; il avait perdu tous ses repères. On m’appela car papa avait des propos suicidaires et il disait savoir comment faire. Je l’ai donc sorti et je l’amenai au cimetière pour qu’il constate que rien n’avait changé de place. Il me dit alors qu’il avait dû rêver. Par un moment de conscience, il me partagea que cela faisait longtemps qu’il voulait mourir et qu’il avait plusieurs plans dont se lancer devant une voiture ou les trains à proximité en se sauvant par le balcon. Il me dit de ne pas pleurer quand j’entendrai dire qu’il est parti car il sera soulagé… Cela m’a brisé le cœur!

Il ajouta qu’aller en enfer plutôt que souffrir ici, ce n’était pas si pire. Il nomma qu’il avait hâte de perdre complètement la mémoire comme cela, il ne sentirait plus rien. Papa me dit également qu’il était surveillé… et que si on l’empêchait de sortir, il le ferait quand même en sautant par la fenêtre. Sa chambre était au 1er étage alors je lui dis que ce n’était pas un bon plan et qu’il finirait plutôt dans une chaise roulante, ce qui serait encore pire pour lui…

Étant donné ce changement d’humeur et de personnalité, je rencontrai la responsable de la résidence qui m’a conseillé de prendre un rendez-vous avec son médecin pour augmenter les anti-dépresseurs. Elle autorisa alors mes sœurs à le sortir mais seulement le temps d’un repas ou aller au cimetière. Un rendez-vous téléphonique fut prévu et il eut enfin lieu après 2h15 de retard. Après nous avoir écouté, le médecin demanda à le voir en personne et ajouta un rendez-vous téléphonique pour moi avec une travailleuse sociale pour mettre à jour son dossier. Ce fut très pertinent car elle le croyait toujours dans sa maison… encore plus d’une heure à répéter la même histoire. Aussi, j’envoyai des photos du visage de papa à la spécialiste pour un suivi de son cancer de peau.

Une fois de plus en décembre, je l’amenai pour un rendez-vous de suivi chez son médecin. On lui prescrit des anti-douleurs pour ses genoux. Papa a dit « En autant que vous ne me donnez rien pour ma tête car j’en ai besoin pour dire aux employés quoi faire! » avec son petit sourire en coin. Puis le médecin vérifia son niveau de soins afin d’éliminer tous les médicaments non nécessaires au prolongement de sa vie.

Puis ce fut une rencontre avec la gériatre qui dura 2 heures. Résultat : son cœur et sa pression ne sont pas assez fiables pour recevoir la médication pour Alzheimer. Papa fatigué demanda à sortir. La gériatre refusa alors papa s’est mis à lui faire des menaces de suicide. Elle lui répondit que s’il répétait cela, elle devrait l’hospitaliser. Ça l’a calmé, lui qui déteste les hôpitaux.

Une semaine plus tard, c’était une visite de la travailleuse sociale. Papa avais un discours cohérent jusqu’à ce qu’il sorte des histoires de ski-doo et de polices, de tires de poneys à Montréal ou ses menaces d’en finir en disant qu’il savait quoi faire car il y a un train qui ne passe pas loin. Après une heure, elle s’était dressé un bon portrait!

Une circonstance de la vie à la fin décembre, fera que ma fille et ma petite Darcy viendront vivre dans notre bulle pendant 2 mois. Ce sera une opportunité que la Covid nous aura donnée soit de partager leur quotidien et de savourer mon rôle de grand-maman. Ce moment créa des liens d’amour et de confiance entre nous.

Nous sommes rendus à la veille de Noël et aucun résident ne peut sortir. À la résidence, ils faisaient un souper pour l’occasion et malgré le fait qu’ils étaient au courant de sa problématique avec l’alcool, on lui offra une petite coupe de vin. Mauvaise idée… Il en redemanda, on lui en donna une mini-coupe, puis une autre mais il en voulait davantage. Il donna de l’argent pour que quelqu’un aille lui acheter une bouteille. Devant une réponse négative, il partit dans sa chambre très fâché en disant qu’il s’était fait voler une bouteille de vin dans sa chambre.

Le lendemain, ma sœur est allée le visiter et ils sont descendus au sous-sol. Papa raconta qu’avant c’était un trou où il descendait avec une échelle et que c’était lui qui avait construit tout cela. Plus tard, il nous dira même qu’il va souvent en bas car sa fille a ouvert un restaurant. Ouf! Les histoires prennent de l’ampleur.

En janvier, nous avons encore quelques petits rendez-vous : il a cassé sa branche de lunettes alors on la fixe en attendant un rendez-vous chez l’optométriste une semaine plus tard. Ma sœur va avec lui chercher ses nouvelles lunettes et il était inquiet de ne pas avoir assez d’argent. Alors il dit « ce n’est pas grave, je vais leur dire de séparer la facture en trois car j’ai trois filles » toujours avec sa touche d’humour. Puis une visite chez le médecin aura lieu à la mi-janvier où l’on débutera des procédures pour le déclarer inapte.

COHABITATION DES ÉMOTIONS

Une bénédiction viendra adoucir ma réalité avec l’arrivée de mon premier petit-fils Mason. Quel baume sur mon cœur! Être Mamily une 2e fois s’avèrera être une source de joie malgré le port du masque et la distanciation. Maintenant plein de petits bonheurs doublés!

Naissance de Mason.

Papa nous fera voyager dans le temps avec ses souvenirs réinventés. Et nous embarquerons dans ses aventures et ses propos qui ne font aucun sens mais qui nous feront bien rire. Par exemple, il mêlera 3 sujets en 1 : qu’il a travaillé avec son frère et qu’ils couchaient dans l’étable de la pharmacie où il se faisait couper les cheveux…

HOMOLOGATION DU MANDAT D’INAPTIDUDE

En février, une étape importante débuta chez le notaire pour l’homologation de son mandat d’inaptitude. Nous rencontrerons en avril une travailleuse sociale pour une évaluation qui finalisera le processus. Devant le notaire, le mandat deviendra donc homologué le 20 avril 2021. Avoir ce document précieux fera augmenter son crédit d’impôt pour maintien à domicile.

Homologation du mandat d"inaptitude.

Papa continua toujours ses histoires délirantes… il disait être allé avec un de ses tchums dans un tournoi de cartes et avait joué au 500, lui qui n’a jamais jouer aux cartes. Je reçus un appel de la résidence car papa avait fait un mauvais rêve : je m’étais fait enlever par les indiens! À mon arrivée, il avait ses bottes et il me dit qu’il arrivait de la chasse. Il m’a ensuite parlé de son rêve où maman avait été tué et que ceux-ci couraient après lui. Et il m’a demandé si ma sœur était revenue car il ne la trouvait pas.

Il était dans un état de panique. Je lui dis que tout cela était un rêve alors il se calma. Je notai qu’il ne se lavait plus depuis longtemps et que ses vêtements étaient sales. Alors, je l’aidai à se changer et je l’amenai chez moi pour un repas où nous avons passé du temps dehors afin de lui changer les idées.

Quelques temps plus tard, il me dit encore que le cimetière avait changé de place alors on y est retourné. Sur place, il me raconta avoir déneigé ses cours cette semaine pendant que les petits vieux se berçaient… Il me dit aussi que lorsqu’il fera plus chaud, il se trouvera une remise quelque part où il se cachera pour être libre d’aller où il veut. Papa était un homme d’action et il était toujours dehors ou dans son garage; très difficile pour lui de se sentir emprisonné.

À la mi-avril, on a enfin eu l’autorisation de toutes pouvoir le sortir dans les conditions suivantes : pour une marche, aller au cimetière et cela avec un masque en tout temps, même dehors. Puis je dû consulter le médecin car son visage était tout rouge. Il constata qu’il avait été brûlé par un restant de crème du traitement pour le cancer que la résidence lui avait mis par erreur. Puis nous aurons aussi la visite de la travailleuse sociale qui viendra à la résidence. Elle fera une demande pour un ergothérapeute afin de sécuriser sa chambre. Au travers de cela, je préparai tous les documents nécessaires à sa déclaration d’impôts.

Lors d’une de mes visites, je lui demandai ce qu’il voulait faire et il me répondit « N’importe quoi pour sortir d’ici! ». Puis il commença à perdre ses choses dont sa manette de télévision ou bien de changer les postes ou fermer le décodeur et ne plus savoir comment retrouver son émission. Nous avons alors identifié sa manette avec son numéro de chambre car elle pouvait se retrouver dans le salon commun ou ailleurs. Il existe des manettes simplifiées plus faciles à utiliser et à se procurer. La progression de la perte de mémoire est l’un des symptômes des troubles neurocognitifs au stade léger.

Identification de la manette.

RÉORIENTATION AU TRAVAIL

Après mûres réflexions, j’optai pour un changement de travail. Après avoir accompagné maman et puis maintenant papa, il devint clair pour moi de trouver un emploi qui nourrirait mes aspirations et mes compétences. Je contribue donc depuis ce temps à la mission de la Maison de l’Être, au Centre d’Hébergement St-Joseph. Je détiens un rôle de coordonnatrice pour nos résidents en début de troubles neurocognitifs ou pour vivre une meilleure qualité de vie.

La Maison de l'Être du Centre d'hébergement St-Joseph.

À la fin juin, j’eus un appel de la résidence qui me dit que papa avait mouillé son lit et donc de lui acheter des culottes ou pads d’incontinence. Ils m’informèrent aussi qu’ils avaient tenté de lui en mettre et que cela avait provoqué une crise de colère ingérable.

Je questionnai papa sur ce qui s’était passé et il me répondit qu’il ne savait pas et il me dit « Est-ce que j’ai une maladie? » Je lui répondis que c’était de l’Alzheimer et qu’il se pouvait qu’il ait de petits accidents en lui montrant mes achats. Il m’expliqua tout émotif que c’était compliqué et m’a tout de suite fait des menaces « Je vais régler le problème en sortant par la fenêtre même si je dois briser quelque chose… Je ne peux plus vivre comme ça longtemps, la chaudière est pas mal pleine et que quand elle le sera, je m’en occuperai moi-même ». Il m’a dit être un problème et qu’il arrangerait cela. Puis, il m’a dit « Est-ce qu’on peut changer de sujet? »; ce que j’acceptai avec empressement.

Le bracelet de sécurité devint de plus en plus difficile à gérer; il réussit à deux reprises à l’enlever dont une fois où il le coupa avec son coupe-ongles. Il voulait sortir! On nous rencontra pour nous dire que si on ne le remplaçait pas et qu’il sortait, ils ne seraient pas responsables de la suite.

En juillet, on rencontra de nouveau le médecin concernant ses idées suicidaires et pour ses problèmes de genoux. Le médecin augmenta alors la médication. Puis nous allâmes à un rendez-vous chez le dentiste car il avait toujours ses dents naturelles. Comme il ne les entretenait pas adéquatement, cela causait des carries. J’avoue que j’aimais mieux les dentiers de maman, moins compliqués à laver! Une anecdote remonte à mon souvenir à ce propos… En cours de route, elle avait perdu l’un de ses dentiers que nous avons cherché mais jamais retrouvé. Et puis le lendemain, surprise! Elle avait de nouveau un dentier mais pas le sien. On n’a jamais su d’où il venait… Et elle l’a porté jusqu’à la fin.

Nous apprîmes alors que la résidence était à vendre; la Covid en aura eu raison avec le manque de personnel et ceux présents qui n’y arrivaient pas. L’ambiance y était très négative avec du personnel fâché des conditions de travail. J’arrivai avec papa pendant un appel d’une employée qui criait et sacrait au téléphone. Papa devint inquiet et désorganisé; il se demandait ce qui se passait. Je restai avec lui un moment afin de le rassurer mais quand fut venu le temps que je quitte, il ne voulait pas me laisser partir. Puis il me dit les yeux pleins d’eau « Je ne savais pas que tu t’étais remariée » … Alors je compris qu’il me prenait pour ma mère et que c’est pour cela qu’il faisait des gros yeux à mon mari quand il le voyait. Ma vie venait de basculer dans ce rôle que j’aurai jusqu’à la fin. 

Il n’en fallait pas plus pour que je dépose une plainte car ceci est de la maltraitance face aux personnes aînées. En voici la définition « Il y a maltraitance quand un geste singulier ou répétitif, ou une absence d’action appropriée, intentionnel ou non, se produit dans une relation où il devrait y avoir de la confiance, et que cela cause du tort ou de la détresse chez une personne aînée ». Pour plus de détails : La maltraitance envers les personnes aînées

Dès lors, il devint alors impératif de le sortir de là et de l’accueillir dans mon nouveau milieu de travail. J’entrepris donc le processus (bail, assurances, transfert de son journal, câble, habiller l’appartement et changement de travailleur social). Je l’amenai visiter son futur loyer. Il sembla heureux et il me dit « Lâche-moi pas loose là car j’ai peur de ne pas me retrouver… ».

La nuit suivante, j’eus un appel de la résidence pour un transfert à l’hôpital. Papa était tombé de son lit et s’était fendu la tête. Il en résulta des points de suture qui devront être enlevés le 3 août. Il était confus et il ne savait pas ce qui était arrivé, ni même où il se trouvait.

ÊTRE LIBRE ET EN SÉCURITÉ

On déménagea papa le 1er août 2021 au Centre d’hébergement St-Joseph où la mission m’anime toujours aujourd’hui. Quelle bonne nouvelle, je pourrai le voir plus souvent. Nous l’avons installé au 4e étage qui sera éventuellement transformée dans les prochains mois en Maison de l’Être. De le savoir en sécurité dans une ambiance adaptée et chaleureuse nous fit un grand bien et nous a rempli d’espoir. Comme il n’y aucune porte de barrée, excepté celles donnant à l’extérieur, il pourra circuler à sa guise. Le fait de ne plus avoir de bracelet antifuite sera déjà un changement vers la liberté.

Le déménagement au centre d'hébergement St-Joseph.

La suite dans le prochain article de blogue : « Papa, je suis ta fille! »

On vous invite à consulter le site de la Société d’Alzheimer, spécialistes dans le domaine des maladies neurocognitives majeures dont l’Alzheimer.

Lyne Turcotte

Proche aidante et thérapeute formée à la relation d’aide travaillant comme coordonnatrice du milieu de vie à la Maison de l’Être du Centre d’hébergement St-Joseph

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